Le F
:. Oswald Wirth, de
Paris, qui est attaché au Secrétariat de la Grande Loge de France, est l'auteur d'une lettre parue dans
The American Freenmason, de Storm Lake, Iowa, dont nous reproduisons le passage suivant :
« En droit maçonnique, seules les Loges pratiquant trois degrés sont régulières et légitimes. J'estime même que les
Grandes Loges sont toutes irrégulières, qu'elles constituent un abus, une superfétation, dont
l'inutilité est facile à démontrer. Car, si nous posions la question : « A quoi
sert un gouvernement maçonnique ? » je me demande ce que pourraient répondre les
partisans de nos fameuses juridictions. Je prétends qu'une vraie Loge est majeure,
qu'elle doit savoir se conduire elle-même, en s'inspirant des principes maçonniques,
et qu'elle ne doit pas être tenue en tutelle.
Supprimons donc ces parlements maçonniques qui légifèrent si piteusement et ces pouvoirs exécutifs qui jouent à la souveraineté. Si les Loges le jugent utile, elles peuvent former entre elles des groupements, des fédérations
d'entente commune, surtout en
vue du travail et du résultat à obtenir, mais sans se soumettre nécessairement à une loi commune.
Que chacune légifère librement pour son propre compte, en
vue de ses besoins, et l'on s'en trouvera mieux.
Plus je vais, plus je me persuade même que l'universalité réelle de la
Franc-Maçonnerie ne peut se baser que sur l'indépendance des Loges. Il faut que chacune cherche, de sa propre initiative et sous son propre contrôle, à faire pour le mieux, une large
tolérance constituant alors le ciment de l'universelle fraternité. Nous aurons à travailler à l'affranchissement progressif des Loges, en montrant le tort que font les gouvernements maçonniques, sources de toutes les
discordes. »
Cette proposition paraîtra déconcertante aux Maçons américains,
à qui il a toujours été soigneusement enseigné que les Grandes Loges sont essentielles
en
Franc-Maçonnerie, aucune Loge ne pouvant exister, si ce n'est par un acte de
création de la part d'une Grande Loge ; que notre Maçonnerie est un don qui nous a été octroyé par la grâce de notre Grande Loge ; que celle-ci est en droit de retirer ce don à qui bon lui semble, du moment qu'elle estime que le bénéficiaire ne se montre pas assez reconnaissant, soumis et déférent envers la Grande Loge.
Cependant, quoi que l'on puisse penser des conclusions du
F
:. Wirth, ses prémices sont indiscutables. Les Loges sont les seules organisations légitimes. Les Grandes Loges sont une innovation, et la seule excuse que l'on pourrait invoquer en faveur de leur existence consisterait à démontrer qu'elles
sont utiles ou tout au moins inoffensives. Il ne saurait y avoir un sujet d'enquête
mieux indiqué, que le point de savoir si elles sont utiles ou même simplement
inoffensives.
Nul n'est tenu de conclure avec le F
:. Wirth que l'institution devrait être abolie ; mais tout Maçon intelligent et bien informé admettra tout au moins, que la proposition du F
:. Wirth est utile, qu'elle est digne d'une publicité universelle et qu'elle devrait universellement être prise en considération. Nous estimons que c'est la proposition la plus utile qui ait été faite à notre époque
(1).
Car, si elle était universellement prise en considération, elle révolutionnerait les idées admises relativement aux Grandes Loges. Celles-ci ne seraient guère nuisibles, si elles étaient remises à leur vraie place. Un grand pas serait accompli dans le sens de la réforme, si l'on parvenait à faire comprendre et sentir à chaque Maçon que la proposition du F
:. Wirth n'a rien de révolutionnaire, qu'elle est parfaitement propre à être formulée et qu'elle doit être examinée avec sérénité. Certains d'entre nous sont d'accord avec le F.•. Wirth et le suivent jusqu'au bout, mais la majorité ne partage pas ses
vues. Il est probable que la majorité déciderait de réformer les Grandes Loges, plutôt que de les supprimer. Mais le simple fait d'envisager sérieusement la question et de peser les arguments favorables à l'abolition équivaudrait déjà, par lui-même, à une réforme.
A. G. PITTS
La
Bauhütte, de Francfort-sur-le-Mein, clans son numéro
du 10 août 1912, a publié une traduction allemande de cet article, tout
en formulant des réserves, au sujet desquelles j'ai cru devoir m'expliquer comme
suit, dans une lettre adressée à la rédaction de cette revue maçonnique :
« En ce qui concerne le
jugement que j'ai porté sur
les gouvernements maçonniques, je tiens à me déclarer beaucoup moins féroce en
pratique qu'en théorie. Dans mon échange de
vues avec des FF
:. américains,
il s'agissait de
fixer un point de
droit maçonnique et, plus spécialement
encore, de combattre les usurpations des Grandes Loges américaines et de leurs
Grands-Maîtres. Mais il suffit de posséder le sens de la réalité, pour comprendre
qu'un
idéal ne saurait être d'une réalisation immédiate. Aussi n'a-t-il
jamais été dans mon
esprit d'exciter à la révolte contre ce qui existe. Ce due
je demande, c'est que le Maçon s'efforce d'acquérir une éducation maçonnique assez
complète pour que les Loges n'aient plus besoin d'une autorité centrale. Il faut que celle-ci soit devenue superflue, pour que les Loges soient en droit de se dire justes, parfaites et indépendantes ; mais il est indispensable de mériter la
liberté et l'indépendance avant de les obtenir. »
Oswald Wirth
Ces lignes ont paru dans la
Bauhütte du 24 août 1912.
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(1) N'oublions pas que le F
:. Pitts est coutumier de l'ironie.