TRAITÉ DE LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES 5
J'entrerai présentement dans l'explication de la
prévarication d'
Adam, ou du premier être maçon mineur créé après les premiers êtres spirituels et
prévaricateurs avant lui. Je dirai, pour cet effet, que la
prévarication du premier maçon créé est une répétition de celle des premiers
esprits. Elle est telle parce que l'inspiration de sa
prévarication, quoique partant de sa propre volonté, ne vient point immédiatement de sa pensée, cette pensée lui ayant été suggérée par ces premiers
esprits prévaricateurs. La
force de la
prévarication d'
Adam est encore plus grande et plus considérable que celle des premiers
esprits. Elle est telle, non seulement parce qu'
Adam a retenu impression du conseil des démons qui l'ont fait déterminer à contracter sa volonté mauvaise en faveur de leurs conseils démoniaques, mais encore il s'est porté à mettre en usage toute sa volonté, vertu et puissance divine contre le Créateur, ce que ces premiers
esprits n'avaient pas eu le temps de faire, leur pensée et volonté mauvaise ayant été lues par le Créateur, qui abattit tout aussitôt leur vouloir à ce sujet. On demandera pourquoi le Créateur n'a pas usé de son pouvoir contre la mauvaise volonté et l'opération
inique d'
Adam, ainsi qu'il avait fait contre celle des premiers
esprits pervers. Je répondrai à cela que, comme le Créateur avait créé l'homme, ou le mineur, pour être l'instrument duquel il se servirait pour l'entière punition des premiers
esprits, il laissa subsister les lois d'ordre qu'il avait données à l'un et à l'autre de ces deux êtres créés, et les vit opérer selon leur
libre-arbitre, suivant leur pensée, désir et volonté innés en eux. Le Créateur, étant un être
immuable dans ses décrets et dans ses dons spirituels, comme aussi dans ce qu'il promet et refuse, de même que dans les récompenses et les peines qu'il inflige à sa créature, suivant qu'elle sait qu'elle le mérite par ses actions, laissa agir ces deux êtres créés à leur propre volonté, n'étant point au Créateur de lire dans les causes secondes, comme je l'ai déjà dit, et encore moins de les empêcher et arrêter. Il ne le pourrait sans sortir de
son
immutabilité et déroger par là de sa propre existence d'être nécessaire et à sa puissance divine, comme je vais le faire entendre à mon
disciple.
Si le Créateur prenait quelque part aux causes secondes, il faudrait que de toute nécessité, il communiquât lui-même la pensée et la volonté à la créature bonne et mauvaise, et qu'il la fît communiquer par ses
agents spirituels qui émaneraient immédiatement de lui, ce qui reviendrait toujours à la même chose.
Si le Créateur agissait ainsi, vous auriez raison de dire que le bien et le mal viennent de
Dieu, de même que le pur et l'impur. Toute chose étant ainsi, vous n'auriez plus besoin de vous considérer comme des hommes libres et sujets à aucun culte divin de notre propre volonté, puisque nous n'en n'aurions aucune par le défaut de
liberté. Rendons donc toute la justice qui est due au Créateur, en restant plus que certains et convaincus, qu'il n'a jamais existé en lui le moindre soupçon de mal, ce qui ne peut même se penser, la chose n'étant point possible et n'étant même point dans la possibilité divine.
Ce qui prouve démonstrativement la vérité de ce que je dis, c'est que s'il avait été à la possibilité du Créateur d'arrêter les causes secondes, il n'aurait point permis que son mineur, ou son premier homme, qu'il avait créé pour être le seul être opérant pour la punition des
esprits pervers, fût la proie des démons, l'ayant expressément créé pour être l'instrument particulier de la manifestation de sa gloire contre ces
esprits. Je ferai encore une petite comparaison à ce sujet, quoiqu'il n'y en n'ait point à faire. Je vous proposerai, par exemple : Si vous envoyiez un second vous-même pour combattre et terrasser vos
ennemis et qu'il fût en votre pouvoir de le faire revenir victorieux et triomphant sur eux, pourriez-vous le laisser succomber sans succomber vous-même ? Si, au contraire, votre
ennemi ne marche à vos
ennemis pour les combattre, que sous les lois
immuables que vous lui auriez prescrites, il reviendra triomphant s'il les a suivies de point en point, et vous le récompenserez de tout votre pouvoir, comme un ami fidèle à vos ordres. Mais s'il succombe, ayant transgressé ces mêmes lois, vous le punirez, comme ayant la
force en main. Ce député ayant enfin uccombé, avez-vous subi son sort ? Non, il n'y a que lui de blâmable, et sur lequel doit porter votre indignation, en le considérant comme un
opprobre, faussaire et parjure à lui-même. Je dirai donc à cet égard : Si votre député avait reçu vos ordres pour combattre vos
ennemis, et si, au lieu de les attaquer pour les terrasser selon vos lois, il se joignait à eux pour vous attaquer et vous rendre leur sujet, au lieu qu'ils sont les vôtres, comment considéreriez-vous ce député ? Vous le regarderiez comme un traître et vous seriez en garde contre lui. Eh bien, voilà précisément, par les comparaisons que je viens de faire, la
prévarication de ce premier homme, ou maçon mineur créé, contre son Créateur. C'est à ce sujet qu'il est dit dans les saintes Ecritures par l'
ange du Créateur : « Chassons d'ici l'homme qui a la connaissance du bien et du mal. Car il pourrait nous troubler dans nos fonctions toutes spirituelles. Et prenons garde qu'il n'attaque ou ne touche l'
arbre de vie et qu'il ne vive par ce moyen à jamais. »
L'
arbre de vie n'est autre chose que l'
esprit du Créateur,
que le mineur attaque injustement avec ses alliés. « Qu'il ne vive à jamais » signifie qu'il ne vive éternellement comme les
esprits
démoniaques, sous leur même vertu et puissance maudite.
Je ferai encore observer à mon
disciple que, si le premier maçon mineur eût resté concentré dans son premier crime et qu'il n'eût point obtenu du Créateur sa réconciliation, il serait resté mineur des mineurs démoniaques, auxquels il aurait été soumis, et qu'au contraire le mineur a été remis par son Créateur dans sa même vertu et puissance qu'il avait eue auparavant contre les infidèles de la loi. C'est donc par cette réconciliation que le mineur a reçu une seconde fois du Créateur, vertu et puissance pour et contre tout être, afin qu'il en use avec sagesse et modération, et qu'il ne s'efforce plus à l'avenir d'employer son
libre-arbitre et sa volonté au gré des
ennemis du Créateur, dans la crainte qu'il ne devienne par ce moyen l'
arbre de vie du mal, en vivant à jamais sous la même vertu et puissance démoniaque.