Dom Antoine-Joseph Pernéty En termes de Physique, matière de la lumière. C'est le
feu proprement dit. Le
feu ordinaire, tel que celui de nos
fourneaux et de nos cheminées, est un liquide
composé de la matière de la lumière et de l'
huile du
bois, du
charbon, ou des autres matières combustibles et inflammables.
Le
feu du
soleil n'est que la simple matière de la lumière répandue dans l'
air, sans le mélange d'aucune matière huileuse du
bois, ou semblable, poussée par le
soleil. Cette matière étant réunie par un verre ardent, et poussée en assez grande quantité contre quelque
corps que ce soit, le pénètre, le traverse, et en désunit les parties à peu près de la même manière que nous voyons agir le
feu ordinaire. Ces deux
feux n'agissent pas par le même moyen. Le
feu du
soleil agit par lui-même, il est poussé par cet
astre seul, il agit également dans le vide comme dans l'
air libre. Notre
feu ordinaire n'agit que selon les lois de l'
équilibre des liqueurs. L'
air plus pesant que la
flamme la
pousse, selon ces lois, sans quoi elle serait sans mouvement, et peut-être sans action ; car elle ne saurait subsister ni agir dans un lieu vide d'
air. Les effets de ces deux
feux sont en conséquence un peu différons. Un métal fondu avec un verre ardent, et coagulé après, a les pores et les interstices plus serrés que le même métal qui aurait été mis en
fusion par notre
feu ordinaire, parce que les parties de celui-ci qui se sont engagées et qui ont pénétré dans les interstices de ce métal, sont plus grossières et ont laissé des passages plus ouverts. Dé-là vient aussi que les
dissolvants ordinaires des métaux agissent moins sur ces métaux mis en
fusion par le
feu du
soleil, que sur ceux qui l'ont
été par le
feu commun.
Feu. En termes de Chymie, se dit également de tout ce qui fait l'office du
feu élémentaire. Ils le réduisent cependant à plusieurs sortes, qui sont :
Le
feu naturel inné dans la matière, dont chaque individu a une portion, qui agit plus ou moins, selon qu'il est excité par le
feu solaire, ou le
feu de cendres, qui consiste à mettre des cendres dans un vase, où l'on met le vaisseau qui contient les matières sur lesquelles on fait des opérations, et l'on entretien le
feu vulgaire
dessous, qui échauffe les cendres, et les cendres le vaisseau avec la matière contenue. Le
feu de cendres a une
chaleur moyenne entre le
feu de sable et le
bain-marie.
Le
feu de sable n'est autre que le sable substitué à la
cendre. Sa
chaleur tient le milieu entre le
feu de sable et le suivant.
Le
feu de limailles, que l'on met au lieu de sable, quand on veut avoir une
chaleur plus vive. Ce
feu approche beaucoup de celui qu'on appelle
feu ouvert ou
feu libre, c'est-à-dire, qui agit immédiatement sur le vase qui contient la matière sur laquelle on opère; tel est le
feu de fusion, qui est de deux sortes :
Le
feu de charbons et celui
de flammes. L'un et l'autre servent aux
fusions, cémentations, épreuves,
calcinations, réverbères. Celui de
flammes se nomme
feu vif ; il sert particulièrement pour le réverbère.
Quelques-uns emploient aussi des mottes de Tanneurs pour avoir un
feu doux et égal.
Les Philosophes
Hermétiques ont aussi leur
feu, auquel ils donnent des propriétés tout-à-fait opposées au
feu élémentaire dont nous venons de parler.
Riplée distingue quatre sortes de
feux : le
naturel, l'
innaturel, le
feu contre nature, et le
feu élémentaire.
Raymond Lulle ne le
divise qu'en trois : le
feu naturel, le
non naturel, et le
feu contre nature ; mais tous disent que le
feu qu'ils appellent
philosophique n'est pas le
feu vulgaire ; et que tout le secret de l'art consiste dans la connaissance de la matière de l'uvre et dans le régime du
feu.
Pontanus dit qu'il ne se tire point de la matière de la pierre ; qu'il est ingénieux, et qu'il a travaillé trois ans sur la vraie matière, sans pouvoir réussir, parce qu'il ignorait le
feu philosophique, dont il a été instruit par la lecture du livre
Artéphius (
Clavis major). Christophe Parisien, dans son traité
de Arbore Solari, fait un parallèle du
feu vulgaire et du
feu philosophique, où il en marque toutes les différences.
Bernard, Comte de la
Marche Trévisanne, connu sous le nom du bon
Trévisan, dit dans son traité de la
Parole
délaissée :
Faites un feu non de charbons, ni de fient, mais vaporant, digérant, continuel, non violent, subtil, environné, environnant, aëreux, clos, incomburant, altérant.
Pontanus dit que ce même
feu est métallique et qu'il participe du soufre.
Il faut distinguer chez les Sages deux sortes de
feu, le
feu inné de la matière, et le
feu externe et excitant. Ils donnent aussi le nom de
feu à leur mercure ou
eau céleste ; et quand ils parlent de ce dernier, ils disent comme Van-Helmont :
les Chymistes vulgaires brûlent et calcinent avec le feu, et nous avec l'eau. C'est ce
feu en puissance qui ne
brûle pas les mains, et qui manifeste son pouvoir lorsqu'il est excité par l'extérieur.
Ce
feu est celui qu'ils ont appelé
naturel, parce qu'il est dans la matière ; et
contre nature, parce que c'est une
eau
qui fait de l'or un
esprit, ce que le
feu vulgaire ne saurait faire. Les Philosophes nomment aussi
feux contre nature toutes les
eaux-fortes vulgaires, par opposition à leur
eau qui vivifie tout, au lieu que les
eaux-fortes détruisent la nature.
Le
feu des Sages gradue comme celui des Chymistes vulgaires, mais d'une manière bien différente. Le premier degré est celui du
soleil en
hiver ; c'est pourquoi ils disent qu'il faut commencer l'uvre sur la fin de l'
hiver ; le second est celui d'Aries ou du printemps ; le troisième est celui du mois de
juin ; et le quatrième celui du mois d'août. Ils ont donné divers noms à ces
degrés de feu :
Feu de Perse,
Feu d'Egypte,
Feu des Indes, etc. Ils semblent même se contredire ouvertement entre eux. Lorsque l'un dit, il faut augmenter le
feu à chaque mutation de
couleurs (
Arnauld de Villeneuve) ; l'autre dit, il faut toujours un
feu du même degré. Mais on doit savoir que l'un parie du
feu extérieur, et l'autre du
feu interne.
Chaque règne de la Nature a son
feu analogue, dont il faut faire usage dans les opérations philosophiques. Lorsqu'ils se servent du terme
Popansis, ils entendent la coction qui mûrit la matière par la
chaleur naturelle ; Epsesis ou Elixation, c'est par leur mercure et leur
chaleur humide ;
Optesis ou
Assation, c'est la coction qui se fait par la
chaleur sèche.
Gaston le Doux.
Feu de suppression ou azotique. C'est celui qui environne tout le vaisseau.
Feu matériel. C'est celui de cendres.
Feu végétal. C'est le tartre.
Feu infernal. C'est un lieu médiocrement chaud.
Feu azotique. Voyez
Feu de suppression.
Feu secret. C'est celui du mercure des Sages.
Feu humide. C'est l'azot.
Feu dit simplement. C'est le soufre.
Feu et Eau. C'est le soufre et le mercure.
Feu central. C'est le soufre de la matière.
Après avoir rapporté quelques-uns des
feux dont parlent les Philosophes pour s'accommoder à la manière de penser et d'agir des Chymistes vulgaires, il est bon d'avertir qu'il ne faut pas se laisser tromper par leur ingénuité apparente sur cet article, et quoique
Basile Valentin nous dise que le
feu des Philosophes est le
feu vulgaire, on ne doit cependant l'entendre que du
feu commun à tout le monde, c'est-à-dire, du
feu de la Nature qui est répandu dans tous les individus, et qui leur donne la vie. Il est aisé de s'en convaincre quand on suit les Philosophes pas à pas, et qu'on les
lit avec attention ; deux exemples suffiront pour cela.
D'Espagnet dit, en parlant de l'
extraction du mercure des Sages : Plusieurs ont cherché notre mercure dans le
vitriol et le sel, quelques-uns dans la matière du verre, parce qu'elle a une humeur radicale si opiniâtrement attachée et adhérente aux cendres, qu'elle ne cède qu'à la plus grande violence du
feu ;
mais notre mercure se manifeste par le doux feu de la Nature, qui, à la vérité, agit beaucoup plus lentement. Il ajoute même :
Fuyez le fractricide, fuyez le tyran du monde, de qui il a tout à craindre dans tout le cours de l'uvre.
Philalèthe s'explique ainsi, dans son ouvrage qui a pour titre :
Enarratione methodica trium Gebri medicinarum,
feu de vera Lapidis philosophici confectione. Après avoir parié des différents régimes qu'on doit observer pendant les quatre saisons philosophiques,
on voit clairement par ce que nous venons de dire, que quoiqu'il n'y ait qu'une seule opération pour la confection de notre pierre, savoir, une seule décoction avec le feu naturel, l'état de la chaleur varie cependant de trois manières.
Il est bon de remarquer qu'il y a un
feu extérieur excitant, c'est-à-dire, que la matière doit être conservée dans un degré de
chaleur continuelle ; mais que ce
feu ne doit être, comme le dit le
Trévisan, qu'un
garde froidure ; et l'Auteur du
Grand Rosaire recommande un
feu extérieur d'une
chaleur si tempérée, qu'elle ne doit point excéder la
chaleur intérieure de la matière.
Que l'on fasse donc un
feu administré proportionnellement à celui de la Nature, un
feu subtil, aérien, clos, environné, persévérant, constant, évaporant, digérant, humide, pénétrant, altérant, propre à mêler les matières et à exclure le froid.
Feu. Très souvent les Chymistes donnent ce nom aux
huiles, et aux liqueurs fortes, ardentes et brûlantes. Le
Feu de Vénus est l'
huile extraite du soufre du cuivre. On l'appelle aussi
Etre ou
Essence de Vénus.
Feu. (
Sciences Hermétiques)
Mercure des Sages. II faut l'entendre aussi de la matière au noir.
Feu étranger. Feu de charbons.
Feu de fumier. Feu innaturel, Feu de putréfaction. Toutes ces expressions sont
allégoriques, et
Philalèthe dit qu'elles ne signifient autre chose que la matière des Philosophes poussée au noir.
Feu. On distingue ordinairement dans le
feu quatre degrés de
chaleur. Le premier est celui du
bain, du fumier, ou de
digestion. C'est le plus doux, et ce que nous appelons tiède. Il se connaît par le tact, et par ses effets. Il faut pour le tact, que la main puisse soutenir l'effet du
feu sans une sensation vive ; elle ne doit faire qu'une douce et légère impression. Le
Feu vaporeux des Philosophes est de ce genre ; ils le comparent à la
chaleur qu'éprouvent les ufs lorsque la poule les
couve, ou à celle que l'on sent lorsqu'on applique la main sur la peau d'un homme sain.
Le second degré est celui du
bain de cendres ; il est plus vif que celui du
bain d'
eau tiède, ou du
bain vaporeux ; mais il doit être néanmoins si modéré, qu'en se faisant sentir plus vivement, les organes n'en soient point altérés.
Le troisième est une
chaleur qu'on ne doit pas pouvoir supporter sans se
brûler, telle que celle du
bain de sable, ou de limaille de fer.
Le quatrième est une
chaleur aussi violente qu'on puisse la
donner ; c'est celle des
charbons ardents et de la
flamme, qui sépare, désunit les parties des mixtes, et les réduit en cendres ou en
fusion. Tel est le
feu de réverbère.
Tous ces degrés ont cependant encore chacun leurs degrés d'intensité, et lorsqu'on les compare entre eux relativement aux
corps sur lesquels la
chaleur agit, ce qu'on regarderait comme le quatrième degré par rapport à une plante, ne serait que le premier eu égard
aux métaux. Lorsqu'on dit aussi que le premier degré est celui du
bain d'
eau, il faut encore faire attention que l'
eau s'échauffe par différents
degrés : le premier est lorsqu'elle commence à tiédir ; le second, quand elle fume et se fait notablement sentir ; le troisième, lorsqu'elle altère les organes ; et le quatrième lorsqu'elle commence à bouillir, qui est son plus grand degré de
chaleur, qui, selon les observations, n'augmente plus pendant l'ébullition. Ces degrés sont encore plus aisés à observer dans l'
huile que dans l'
eau.
Dom Antoine-Joseph Pernety, Dictionnaire mytho-hermétique, Edition de 1758 - Français modernisé par France-Spiritualités.