Paul Diacre, appelé aussi quelquefois Warnefrid du nom de son père, littérateur distingué et le meilleur
historien du
moyen-âge, était né vers 740 à Cividale (
Forum Julii), capitale du Frioul. Comme il existait alors une école fameuse dans sa ville natale, on peut conjecturer qu'il y fit ses premières études. Il reçut aussi des leçons de Flavien, grammairien à
Pavie, et il fut ensuite admis à la cour de Rachis, roi des Lombards, qui l'engagea à s'appliquer à l'étude des livres sacrés. Paul, cédant aux vux de ses parents, revint dans le Frioul et fut ordonné diacre de l'
Eglise d'
Aquilée, au plus tard en 763, puisqu'un acte de cette année lui en donne le titre. Peu de temps après, Didier, à qui Rachis, son
frère avait cédé le trône en se retirant dans un
monastère, rappela Paul à sa cour et l'éleva à la dignité de notaire ou chancelier, dont celui-ci était revêtu lorsque
Charlemagne anéantit le royaume des Lombards. Quelques
historiens ont prétendu que Paul suivit
Charlemagne en France, où ce prince chercha à le retenir par ses bienfaits, et qu'ayant conspiré contre l'empereur, celui-ci se contenta de l'exiler dans l'île de Tremiti. Mais il est démontré que, loin de s'attacher au vainqueur de Didier, Paul se réfugia dans un cloître comme dans un port assuré contre les vicissitudes de la fortune. On ne sait pas l'époque où il embrassa la règle du Mont-Cassin ; mais c'est de cet asile qu'il adressa en 781 à
Charlemagne, alors à Rome, une élégie, dans laquelle il réclama la
liberté de son
frère, fait prisonnier au sac de
Pavie, et qui languissait depuis sept ans dans une forteresse de France. Ce fut alors que l'empereur détermina Paul à le suivre dans ses Etats héréditaires, et il le chargea d'enseigner la langue grecque aux clercs qui devaient accompagner en Orient sa fille Rotrude, promise au fils de l'
impératrice Irène. Paul passa plusieurs années à la cour de Charles. Il visita la France, et s'arrêta quelque temps à
Metz, à la demande d'Angelrame,
évêque de cette ville, qui le pria d'écrire l'
histoire de ses prédécesseurs. Mais l'estime que lui témoignait
Charlemagne ne l'empêchait pas de regretter les solitudes du Mont-cassin. Dès que l'empereur lui eut accordé la permission, il se hâta d'y retourner, et il y mourut vers l'année 790, le 13 avril, selon
dom Calmet, qui ajoute qu'il fut enterré près de l'
église St-Benoît.
Si l'on en croyait Pierre de
Pise, son contemporain, Paul aurait égalé les plus grands poètes de l'antiquité. Dans une pièce qui a été conservée, il le compare à
Homère, à Virgile, à Philon, etc. Mais Paul en lui répondant repousse des éloges si exagérés, et déclare qu'il ne sait de grec et d'hébreu que quelques mots qu'il a appris dans sa
jeunesse. De toutes les
poésies de
Paul Diacre, on ne cite plus que l'hymne pour la fête de saint Jean,
Ut queunt laxis, etc., devenue célèbre dans l'
histoire de la musique par l'application qu'en a faite Gui d'Arezzo à la mesure de l'
octave. C'est comme
historien que Paul continue à jouir d'une grande réputation, et on a de lui :
1° Historia miscella. Cet ouvrage, ainsi nommé parce que c'est une espèce de centon, formé des lambeaux de différents auteurs, fut entrepris à la demande d'Alberge,
duchesse de
Bénévent. Il est divisé en 24 livres. Les onze premiers contiennent l'
Histoire d'Eutrope, avec quelques additions ; les cinq suivants, les seuls qui soient de Paul, comprennent l'espace qui s'est écoulé depuis le règne de Valentinien jusqu'à celui de Justinien. On attribue les huit derniers à Landulphe Sagax. Cette compilation, imprimée pour la première fois à Rome en 1471, sous ce titre :
Eutropius historiographus, et post eum Paulus Diaconus de historiis Italicæ provinciæ ac Romanorum, a été réimprimée plusieurs fois ; la meilleure édition est celle que Muratori a publiée à la tête des
Rerum Italicar. scriptores.
2° De gestis Longobardorum libri sex. Cette
histoire des Lombards commence à leur sortie de la
Scandinavie et finit à la mort de Luitprand en 744. Erchempert l'a continuée jusqu'à l'année 888, et enfin deux anonymes, l'un de
Bénévent, l'autre de Salerne, en ont donné la continuation, le premier jusqu'en 980 et le second en 996, époque de l'extinction des petites principautés que les Lombards s'étaient faites à l'extrémité de l'Italie. Paul manque de critique et d'exactitude, et son style est grossier ; mais son
histoire n'est pas moins très précieuse par le nombre de faits importants qu'elle renferme et qu'on chercherait vainement ailleurs. Elle a été publiée avec l'ouvrage de Jornandès sur les
Goths, etc., par Bonav. Volcanius et ensuite par Hugo Grotius, et Muratori l'a insérée avec une préface et les différentes continuations dans les tomes 1 et 2 du recueil qu'on vient de citer.
3° Gesta espiscoporum Metensium. Cette chronique des
évêques de
Metz a été publiée par Freher dans le
Corpus historiæ Francicæ, et par
dom Calmet, d'après un manuscrit de l'
abbaye de St-Arnoul de
Metz, dans les preuves du tome 13 de la
Biblioth. Patrum, édition de
Lyon.
4° La
Vie de saint Grégoire le
Grand, publiée par
Mabillon dans le tome 1er des
Acta sanctorum ord. S. Benedicti, et à la tête de l'édition des uvres de ce Père, donnée par les
bénédictins. On citera encore de
Paul Diacre un abrégé de grammaire de Festus, et un recueil d'
Homélies, 1482, in-fol. ;
Bâle, 1493, même format et réimprimé plusieurs fois dans le
XVIème siècle ; enfin, deux sermons, que
dom Martène a insérés dans le tome 9 de l'
Amplissima collectio. Les curieux peuvent consulter pour des détails la
Biblioth. medii ci de Fabricius, avec les notes de Mansi ; les biographes
ecclésiastiques, et en particulier Oudin ; mais surtout l'ouvrage de Liruti
sur les écrivains du Frioul. On a de Guill. Moller une dissertation :
De Paulo Diacono, Altdorf, 1686, in-4°, et Tiraboschi lui a consacré une excellente notice dans le tome 3 de la
Storia della letteratura Italiana.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 32 - Pages 292-293)