58.
Les réponses de ce nouvel
homme n'auraient pas tant de
force, et tant de
justesse, si l'
esprit
de sagesse ne fût parvenu à lui communiquer la plénitude
de son activité. Ce n'est qu'avec douleur que cette communication
peut s'opérer, vu l'affaissement où sont tous les interstices
de notre être, dans lesquels l'action de l'
esprit doit se glisser
avec violence ; mais cette violence n'est rien en comparaison de celle
que la renaissance doit nous occasionner ; car après que cette
action de l'
esprit nous a ainsi pénétrés, il faut
qu'elle nous emmène, et nous fasse sortir avec elle hors de cette
prison, et de cette demeure ténébreuse où nous
ne jouissions ni de la respiration, ni d'aucun des autres avantages
de la vie.
Or, c'est là où nous concevons le
prix de l'
amour qui avait bien voulu venir s'ensevelir avec nous dans
nos abîmes, afin de nous saisir, et de nous en arracher avec lui. Nous
sentons, dis-je, alors l'immensité de cet
amour, par l'immensité
des souffrances que nous éprouvons, et qu'il ne craint pas de
partager avec nous ; souffrances que nous ne pouvons pas évaluer
avant l'opération de notre renaissance ; parce qu'avant ce moment,
nous ne savons comment l'action divine est venue nous pénétrer,
et si elle n'agit pas secrètement en nous par le pouvoir des
droits éternels qu'elle a de pénétrer toutes les
substances, et de tout remplir, et cela cependant en concours avec cette
vie immortelle, innée dans notre être, et qui s'y conserve
dans l'ombre, et le 1e silence, jusqu'au moment où elle reçoit
l'ordre, et la puissance du maître.
Il n'en est pas moins vrai que ce n'est qu'au moment
où cette puissance, et cet ordre ont pris forme en nous, que
notre renaissance est commencée, et qu'elle peut nous être
sensible ; comme il est vrai aussi que dès que cette puissance
d'action, et d'ordre spirituel a pris forme en nous, nous devons nous
remplir d'espérance que l'œuvre arrivera à son terme;
vérités dont un il attentif pourra même trouver
de nombreux exemples dans la nature. C'est alors que nous nous sentons
successivement sanctifiés dans tout notre être, pourvu
que nous ayons grand soin de recueillir précieusement ces actions
pures, vives, et initiatives lorsqu'elles se font connaître en nous,
et pourvu que nous ayons toujours présent devant les yeux que
l'activité est leur principal caractère, qu'ainsi toutes
les frayeurs que nous pouvons recevoir, ne doivent tourner qu'au profit
de notre sainte et spirituelle activité, et que tant que nous
ne portons pas toutes nos
forces vers cette activité complète
et constante dans laquelle seule, l'œuvre de notre renaissance peut
véritablement se manifester, loin de renaître, nous mourons de
nouveau, et nous faisons mourir l'
esprit avec nous.
Quelles sont donc les conditions sans lesquelles
nous ne pouvons espérer de découvrir où sont les
prairies si abondantes, réchauffées par le vrai
soleil
? C'est d'être animés du zèle de maison du Seigneur,
c'est-à-dire, du zèle de notre propre maison. Et quelle
est la voie par laquelle nous pouvons espérer voir naître en
nous le zèle de notre propre maison ? C'est de nous défendre
avec des efforts constants, et perpétuels du zèle la
maison
étrangère.
Si nous marchons avec cet humble et vivant désir
d'être animés du zèle de notre propre maison, le
Seigneur marchera vers nous par la voie rapide de son
amour, et de ses
innombrables richesses, qui consistent dans une universelle activité
; et il ne tardera pas de nous associer à cette universelle activité,
puisqu'il nous associera avec lui-même.
Malheur à ceux qui auront laissé
semer en eux le
germe de la froideur, et de l'inaction ; il ne pourra
manquer de produire un
jour des
fruits amers et couverts de ronces,
dont tous leurs membres seront transpercés ; il ne pourra manquer
de livrer tout leur être à des maladies inguérissables.
Malheur à ceux qui ne saisiront pas, avec une ardente vigilance,
ces éclairs passagers qui nous sont envoyés de temps en
temps dans nos ténèbres ! La vie spirituelle qui descend
en nous est déjà si faible, en raison de ce
corps mortel
où nous sommes renfermés ! Elle y vient si rarement !
Elle s'en retire si vite, après avoir allumé en nous le
flambeau de notre pensée, que sans la plus active attention,
nous devons craindre que la flambeau s'éteigne, avant qu'elle
revienne, si nous n'avons pas soin de le nourrir et de l'entretenir
!
Car ce n'est que par ces longues et pénibles
gradations, que nous pouvons obtenir la renaissance de cet état
divin où nous serons, comme si nous nous sentions renaître continuellement,
et à la fois dans toutes les sources des innombrables, et douces
affections de notre pensée, et de tous nos désirs spirituels.
Seigneur, que le
feu du
ciel vienne en moi consumer les
iniquités
d'Israël et de
Juda ! Que les secousses de ma fragile terre ébranlent
les colonnes de Babylone, jusque dans leurs fondements ! Qu'une guerre
universelle embrase tout mon être ! Que les astres corruptibles
qui l'éclairent perdent leur lumière ! Que les cieux,
et la terre périssables qui me composent, soient retournés
comme un vêtement ! Qu'il se forme en moi de nouveaux cieux, et
une nouvelle terre ! Et que, du sein des débris de cet ancien
univers, je voie élever dans les airs le signe de l'éternelle
alliance, et l'étendard du triomphateur dans sa gloire !
Comment l'homme peut-il s'abuser si longtemps sur
la destination de son être ? C'est qu'il la cherche ailleurs que
dans lui-même, tandis que c'est là où il apprendrait
tous les secrets. Une voûte épaisse semble se former entre l'
esprit
de l'homme et sa région inférieure. Mais il devrait siéger
sur cette voûte, comme sur un trône, pour établir l'ordre dans
toutes ses possessions, et y manifester à la
vue de toutes les
puissances l'
agent suprême dont il est l'image. Il pourrait être
assis sur ce trône comme ayant déjà ses
ennemis sous ses
pieds ; et comme, ayant
fermé le puits de l'abîme, après
y avoir précipité tous les
prévaricateurs. Voilà
où le conduirait l'activité de l'
esprit, s'il y répondait
avec
fidélité ; elle lui ferait sentir physiquement ce
but sublime pour lequel la nature et lui, ont reçu l'existence, et là,
il apprendrait à reconnaître comment il fut établi pour
être le ministre, et le roi de la nature.
Le malheureux ! Il a vu miner son trône par les
vapeurs du puits de l'abîme. L'
ennemi s'est élevé sur
ces vapeurs comme sur des nuages ; et à la faveur de ces nuages,
il s'est fait porter jusqu'aux plus hautes régions de la pensée
de l'homme. Du sommet de ces sublimes régions il dit à
l'homme : "Prosterne-toi devant moi. C'est à moi à siéger
sur le trône dont tu t'étais emparé, et désormais
tu seras mon serviteur et mon esclave". Le malheureux ! Et dans ce honteux
esclavage, il diffère travailler à rompre ses fers ! Que
dis-je, il murmure des secousses qui lui sont envoyées pour coopérer
à sa délivrance !
Quel est l'objet des agitations et des tourbillons
des vents de l'atmosphère ? N'est-ce pas de faire tomber des
arbres les bourgeons gourmands,
fruits d'une sève trop abondante
? ou d'en
dessécher les
eaux de
pluies et les vapeurs des brouillards,
qui auraient trop attendri leur écorce, et auraient fait pourrir
leurs feuilles et leurs
fleurs ? ou enfin n'est-ce pas d'en précipiter
les insectes venimeux et malfaisants qui auraient corrodé leurs
tendres branches ?
Homme, ne te plains point des secousses de ta région.
La main qui les dirige n'a sur toi que des plans de bienfaisance. Si
la coupe d'amertume a été versée sur la terre,
n'est-ce pas pour nettoyer les yeux de notre intelligence, comme la
coupe médicinale rend nos organes corruptibles à leur
pureté naturelle ? Plus cette coupe amère t'abîmera dans
le
feu de la douleur, et plus tu dois remercier celui qui te la présente
; parce qu'il n'en peut résulter pour toi qu'une grande purification,
si tu es coupable, ou une grande gloire et une grande récompense
si tu es employé à l'œuvre sacrée...
Mais il n'y a que les agitations opérées
par la main de
Dieu qui soient salutaires ; car les esclaves de l'
ennemi
sont aussi dans l'agitation, sans qu'ils en retirent aucun profit. Cet
ennemi, après avoir remporté presque universellement la
victoire, agit en maître et en tyran sur ses sujets. Il les vexe par
des vives douleurs, pour leur faire sentir que la matière est
son royaume. Il les punit d'avoir eu l'imprudence d'agir sans leur
Dieu,
en les tourmentant sur cette terre, comme dans un lieu où
Dieu
n'agit point.
Seigneur, qu'elle est donc l'immensité du
crime qui a pu si fort irriter ta justice ? Toute la postérité
humaine est dans les souffrances. Tu la vois ; elle est à tes
pieds, et tu ne peux pas te permettre de la délivrer. Est-ce
la voix de l'
impie qui t'arrête ? Ils disent qu'il n'y a point
de mal ; ils n'osent pas t'attribuer celui qui existe, ils aiment mieux
le nier que d'en chercher la source dans la dépravation volontaire
d'une créature libre. Comment voudrais-tu les guérir puisqu'ils
ne se croient pas malades, et qu'ils ne t'appellent point ? Au moins
si leur
ignorante impiété n'influait pas sur la famille
entière ! Mais si c'est cette famille entière qui t'a
offensé, ne faut-il pas que tous ses membres se réunissent
pour t'implorer, et pour te fléchir ! Et une seule voix discordante
ne peut-elle pas rompre le concert de nos supplications ?
Malheureux, quand cesserez-vous vos blasphèmes
? Vous n'en pouvez proférer un qui ne
coûte la vie ou
la santé à nos
frères. Mais le
Dieu de paix
et d'
amour sera plus grand que leurs blasphèmes. Il inclinera
ses yeux sur notre triste postérité, et sur notre propre
maison, et malgré les malédictions des insensés,
il laissera descendre jusqu'à nous
la frange de son vêtement.
Pour peu que nous venions seulement à la toucher, nous serons
guéris de notre perte de sang.
Justifie-toi donc, homme de désir, ou plutôt
ne te laisse point ébranler sur ta base. Ta vie procède
de la vie. Que ta seule existence démontre que tu es le fils
de
Dieu. La vie ne procède-t?elle pas toujours ? Qui pourrait
nuire à ta stabilité si tu ne perdais jamais de
vue que
tu es le fils de
Dieu, et que tu es sa pensée, sa parole, et
son opération, et si par ta constance, et par la
force de ta
foi tu parvenais à en donner la preuve à l'
ignorance ?
Quand tu te sentiras affaibli, tourne les yeux vers celui qui vient
te consacrer jusque dans ton intérieur, pour être
prêtre
selon l'ordre de Melchisédech, et tu te verras alors élevé
jusqu'aux cieux.
59.
Comment le nouvel homme est-il devenu si actif,
si clairvoyant ? C'est en ne cessant point de se remplir du zèle
de sa propre maison. C'est en ne redoutant point la démolition
du temple antique, ou du vieil homme dont il est dit
qu'il ne doit
pas rester pierre sur pierre ; parce qu'il sait qu'il sera rebâti
dans trois
jours, ou que ce triple caractère divin qui le constitue
image, et ressemblance de son éternel principe, doit être
par là, rétabli dans sa splendeur, et, dans la libre manifestation
de ses titres les plus sacrés.
Mais plus il a acquis de lumières, plus
il se croit obligé d'éclairer toutes les régions
de son être sur tous les dangers qui peuvent accompagner leur
régénération. Il leur dira donc comme le Réparateur
aux apôtres :
"
Prenez garde que personne ne vous séduise,
parce que plusieurs viendront, sous prétexte de vous instruire,
et de vous soulager ; mais comme ils seront eux-mêmes remplis
de ténèbres, ils ne feront que vous égarer davantage
; et le signe auquel vous les reconnaîtrez, c'est lorsqu'ils vous proposeront
d'autres
Dieu, son
esprit, et vous, et qu'ils voudront vous épargner
travail pénible de puiser constamment et sans relâche dans celui
qui vous a donné l'existence, et qui a mis en vous une universelle
représentation de lui-même et de toutes ses uvres."
"
Vous entendrez aussi parler de guerres, et
de bruits de guerres, vous verrez en vous-mêmes se soulever,
peuple contre peule, royaume contre royaume, vous y verrez des
pestes, des famines, des tremblements de terre ; mais que cela ne vous
trouble point, car tout cela ne sera que le commencement des douleurs.
Alors on vous livrera, dans vous-mêmes, à mille
ennemis
pour être tourmentés, et pour vous faire mourir, et vous
serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom. Prenez garde
que cela ne vous devienne des occasions de scandale, et de chute ; car
il s'élèvera en vous des
faux prophètes, et parce
que l'
iniquité sera accrue, la
charité de plusieurs pourrait
se refroidir, mais celui-là sera sauvé qui persévérera
jusqu'à la fin. Et cet
Evangile du royaume sera prêché
dans tout votre être, pour y servir de témoignage à
toutes les nations qui l'habitent."
Quand vous verrez que l'abomination de la désolation
qui a été prédite par le prophète Daniel,
sera dans le lieu saint, et que l'
ennemi sera dans ses
jours de triomphe,
par la puissance qui lui sera donnée d'en haut sur vous, à
cause de la justice, et pour lui laisser combler la mesure de ses
iniquités,
fuyez alors sur les
montagnes de la Judée. Si vous êtes
sur le toit, n'en descendez point pour emporter quelque chose de la
maison, et si vous êtes dans le champ, ne retournez point pour
prendre vos vêtements. Mais faites comme
Elie, cachez-vous dans
la caverne jusqu'à ce que le temps de la colère soit passé
; " car ces
jours où ces épreuves sont telles, que si
elles n'avaient été abrégées, nul homme
n'aurait été sauvé, mais elles sont abrégées
en faveur des élus. "
Ne prenez pas même pour les signes infaillibles
de votre régénération les choses étonnantes,
et les grands prodiges que vous pourrez opérer ; car il peut
s'élever en vous de
faux christs, et de
faux prophètes
qui en opèrent de semblables,
jusqu'à séduire,
s'il était possible, les élus mêmes. Ne vous
rendez donc point à toutes les voix qui vous diront intérieurement
: "Je suis le Christ ; car comme un éclair qui sort de l'orient,
paraît jusqu'à l'occident, ainsi sera dans votre être l'avènement
du fils de l'homme. " Chassez seulement de vous avec le plus grand soin
tous les
corps morts,
car partout où le corps mort se trouvera,
les aigles s'y assembleront."
"Quand est-ce que le signe du fils de l'homme paraîtra
dans votre
ciel particulier ? Quand viendra-t-il en vous avec une grande
puissance, et une grande majesté ? Quand enverra-t-il ses
anges
faire entendre la voix éclatante de leur trompette dans toutes
vos régions, et rassembler ses élus des quatre coins de
votre propre monde, depuis une extrémité de votre
ciel
jusqu'à l'autre ? C'est quand votre
soleil d'apparence sera rentré
dans son obscurité, c'est quand votre
lune ne donnera plus sa
lumière, c'est quand les étoiles de votre faible
firmament
tomberont, c'est quand les vertus de vos cieux individuels seront ébranlées
; et que tous les peuples de votre terre de douleur déploreront
leur misère, qu'ils s'enfonceront dans les fentes des
montagnes,
et qu'ils diront à l'univers : couvrez-nous, et dérobez-nous
à la colère et à la vengeance du Seigneur."
"Il n'y a personne qui puisse vous apprendre quand
est-ce que ce
jour et cette heure arriveront ; car
il est écrit
que nul autre que notre père ne sait ce jour et cette heure,
et que les anges mêmes du ciel ne les savent point. Mais il
vous est donné d'en connaître les signes, et de savoir que le
fils de l'homme sera près de vous et qu'il sera à votre
porte lorsque ces signes se seront manifestés en vous ;
comme
vous jugez que l'été est proche quand les branches du
figuier sont déjà tendres, et qu'il pousse ses feuilles."
Vous ne connaîtrez point ce temps par aucune des
révolutions de votre être naturel et physique, puisque
c'est lui qui doit être
immolé aux ténèbres
et leur servir de victime ; aussi comme il ne connaît rien aux choses
de l'
esprit, il suivra aveuglément sa voie obscure jusqu'au
jour
de son sacrifice, comme au temps de
Noé, un peu avant le
déluge,
les hommes suivaient toutes les lois de la matière, sans penser
seulement à ce qui allait arriver. Mais lorsque votre heure sera
arrivée, des deux hommes qui vous composent, l'un sera pris et
l'autre laissé. Des deux femmes qui sont occupées à
moudre en vous, l'une sera prise et l'autre laissée, parce que
dans vous l'une de ces deux femmes, ou l'un de ces deux hommes est le
partage de l'
esprit et de la lumière, et l'autre le partage de
la matière et des ténèbres. Veillez donc parce
que vous ne savez à quelle heure votre Seigneur doit venir, "car
sachez que si le père de famille était averti de l'heure
à laquelle le voleur doit venir, il est sans doute qu'il veillerait,
et qu'il ne laisserait pas percer sa maison."
"Soyez comme un serviteur fidèle et prudent,
que son maître a établi sur tous ses serviteurs pour leur distribuer
dans le temps la nourriture dont ils ont besoin. Si votre maître, à
son arrivée, vous trouve agissant de la sorte, il vous établira
sur tous ses biens, mais si vous dites dans votre
cœur : mon maître
n'est pas près de venir : si vous vous mettez à
battre
vos
compagnons au lieu de les nourrir, et que vous mangiez et buviez
avec des ivrognes, le maître viendra au
jour que vous ne vous y attendez
point, et à l'heure que vous ne savez point, il vous séparera,
il vous donnera pour partage d'être puni avec les hypocrites,
et c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents."
"Il y a aussi en vous cinq vierges folles, et cinq
vierges sages, parce que telle a été la
division qui s'est
faite dans les puissances lors de la chute du premier
prévaricateur,
et qui s'est répétée lors de la
prévarication
de l'homme ; les unes non seulement on consumé leur
huile, mais
elles cherchent encore à consumer celle que les vierges sages
ont conservée, et à les entraîner avec elles dans leurs
ténèbres et dans leurs funestes imprudences, comme a fait
votre
ennemi envers l'homme lorsqu'il l'engagea à lui livrer
sa
force, sa puissance et sa parole ; et si vous ne veillez avec le
plus grand soin, cet
ennemi peut répéter chaque
jour envers
vous cette ancienne et criminelle entreprise, et vous séduire
comme il a séduit le premier homme, jusqu'à vous faire
dissiper en vain toute votre
huile, et vous faire éteindre votre
lampe. Alors vous serez confondus avec les vierges folles elles-mêmes,
et lorsque vous vous présenterez pour entrer aux noces avec l'
époux,
la porte sera fermée, et l'
époux vous dira qu'il ne vous
connaît point."
"Tâchez au contraire de surpasser encore s'il est
possible les vierges sages de l'
Evangile, et de procurer par vos travaux
et vos efforts une suffisante provision d'
huile aux vierges folles pour
qu'elles soient admises aux noces de l'
époux avec vous ; car
c'est là le dernier terme de la
charité, puisque c'est
celle que l'
esprit même exerce à votre égard, n'ayant
pas craint de pénétrer dans tous les abîmes de votre existence
pour venir partager son
huile avec vous, et rétablir par là
la perfection de ce nombre de dix talents que vous aviez altérés
dans l'origine, et que la sagesse suprême désire si ardemment
revoir briller dans sa
justesse, et dans toute sa vertu."
"Aussi que fera le fils de l'homme lorsqu'il viendra
dans sa majesté accompagné de tous ses saints
anges, qu'il
s'assoira sur le trône de sa gloire, et que toutes les nations de la
terre seront assemblées devant lui ? Il séparera les uns
d'avec les autres, comme un berger sépare les brebis d'avec les
boucs. Il mettra les brebis à sa droite, et les
boucs à
sa gauche, et il dira à ceux qui seront à sa droite :
venez, vous qui êtes bénis par mon père, possédez
comme votre héritage le royaume qui vous a été
préparé dès le commencement du monde... Car j'ai
eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif,
et vous m'avez donné à boire ; j'ai eu besoin de logement,
et vous m'avez logé ; j'ai été sans habit, et vous
m'avez revêtu ; j'ai été malade et vous m'avez visité
; j'ai été en prison, et vous m'êtes venu me voir.
Alors les justes lui diront : Quand est-ce que nous vous avons fait
toutes ces choses ? Et le roi leur répondra : Je vous dis, en
vérité, qu'autant de fois que vous avez rendu ces devoirs
de
charité aux moindres de mes
frères, c'est à
moi-même que vous les avez rendus. Parce que ces petits
enfants
ne font qu'un avec moi par leurs souffrances."
"De même aussi lorsque les cinq vierges sages
qui sont en vous parviennent par leurs travaux et leur vive
charité
à procurer une suffisante provision d'
huile à vos cinq
vierges folles pour que leurs imprudences soient effacées, et
que le nombre des dix talents que ces dix vierges représentent
se trouve réintégré en vous dans sa perfection,
c'est coopérer à la gloire, et à la satisfaction
de la sagesse elle-même, puisque c'est concourir au rétablissement
de son image."
"Le roi dira ensuite à ceux qui sont à
gauche : Retirez-vous de moi, maudits, et allez au
feu éternel
qui est préparé pour le diable et pour ses
anges. Car
j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, j'ai
eu besoin de logement et vous ne m'avez pas logé, j'ai été
sans habit et vous ne m'avez pas revêtu, j'ai été
malade et en prison et vous ne m'êtes pas venu voir. Et les méchants
lui diront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons refusé
toutes ces choses ? Et il leur répondra : Je vous dis en vérité
qu'autant de fois que vous avez manqué à rendre ces assistances
aux moindres de ces petits, vous avez manqué à me les
rendre à moi-même, parce que ces petits ne faisant qu'un
avec moi dans leurs souffrances, n'auraient aussi fait qu'un avec moi
dans leurs joies, et parce que si vos vierges sages ne concourent pas
au rétablissement du nombre représentatif, en corrigeant
les imprudences de vos vierges folles, et en subvenant à leurs
nécessités, vous contrariez directement le désir,
la faim et la soif de la sagesse éternelle."
60.
La fête des pains sans levain approche ;
cette fête annonce au nouvel homme une nourriture qui n'est point
sujette à la
fermentation et à la corruption de la matière.
Or, comme cette fête se nomme
le passage ; et comme c'est
au passage de la renaissance spirituelle que se trouvent les plus grands
dangers pour l'
âme humaine, c'est aussi le moment de ce passage que
choisissent
les princes des prêtres et les docteurs de la loi,
pour se saisir de la personne du nouvel homme, et où son
ennemi
s'offre à eux pour le leur livrer moyennant le prix dont ils
conviennent ensemble, et qui remplit de joie ces princes des
prêtres
et les capitaines, parce qu'ils craignent le peuple, et ne peuvent employer
que
des ruses et des trahisons...
Le nouvel homme n'ignore pas cette trahison qui
se trame contre lui, puisqu'il a dit d'avance aux siens :
Vous savez
que la Pâque se fait dans deux jours, et que le fils de l'homme sera
livré pour être crucifié. Mais comme il sait
aussi que le complément de sa régénération
est attaché à ce sacrifice, comme il sait en outre que
ce sacrifice doit rendre la vie aux habitants de son propre royaume,
il dit à quelques-uns des siens : "Allez-nous apprêter
ce qu'il faut pour la Pâque. Lorsque vous entrerez dans la ville, vous
rencontrerez un homme portant une cruche d'
eau, suivez-le dans la maison
où il entrera, et dites au maître de cette maison que le maître
vous envoie dire : Où est le lieu où je mangerai la Pâque
avec mes
disciples ? Et il vous montrera une grande
chambre haute toute
meublée. Préparez-nous-y ce qu'il faut."
Qu'est-ce que c'est que cet homme portant une cruche
d'
eau ? C'est le précurseur de la sainte alliance qui ne peut
se contracter qu'après la purification parfaite. Qu'est-ce que
c'est que cette
chambre haute où la Pâque doit se célébrer
? C'est la pensée de l'homme qui est revêtue du privilège
de se montrer parmi les nations comme la région la plus sublime
du temple immortel que l'
esprit saint s'est proposé d'habiter.
Qu'est-ce que c'est que ce maître qui envoie demander où est
le lieu où il mangera la Pâque avec ses
disciples ? C'est l'
esprit
du nouvel l'homme lui-même, qui vient visiter l'
âme humaine pour
lui rendre la vie et la lumière, mais qui sachant que cette
âme
humaine est un être libre, ne veut habiter chez elle que de son
propre consentement, malgré tous les biens et toutes les richesses
dont il vient la favoriser.
Il attend l'heure favorable pour venir opérer
dans l'
âme ce salutaire sacrifice, parce que son
amour pour nous l'a
engagé même à s'assujettir à la loi des heures
; mais quand cette heure est arrivée, il se met à table
avec nous, et il nous dit : "J'ai souhaité avec ardeur manger
cette Pâque avec vous avant de souffrir ; car je vous déclare
que je n'en mangerai plus désormais jusqu'à ce qu'elle
soit accomplie dans le royaume de
Dieu." Parce qu'après la consommation
du grand sacrifice du Réparateur, il fallait encore un temps
pour la ratification, et pour que les
fruits de ce sacrifice parvinssent
à leur terme.
"Alors l'
esprit qui est à table avec nous
prend le pain, et ayant rendu grâce, il le rompt en disant : Ceci est
mon
corps qui est donné pour vous, faites ceci en mémoire
de moi." Parce que de même que la rupture du pain annonce la rupture
de son
corps, de même la rupture de son
corps annoncera la rupture
et les douleurs de son
esprit qui daigne abandonner le lieu de sa gloire
pour venir habiter dans le séjour de notre misère.
Il prend le calice, et ayant rendu grâce, il nous
dit : "Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang, lequel sera répandu
pour vous. Je ne boirai plus désormais de ce
fruit de la vigne
jusqu'à ce
jour où je le boirai de nouveau avec vous dans
le royaume de mon père ; toutes les fois que vous mangerez de
ce pain et que vous boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du
Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne." Parce que le sang de cette
coupe, annonce l'
effusion du sang matériel du Réparateur,
que l'
effusion de son sang matériel annonce l'
effusion de son
sang spirituel, et qu'en même temps cette coupe annonce l'
effusion
du sang corporel de l'homme pour l'abolition du péché,
et l'
effusion de son sang spirituel pour sa régénération
particulière.
C'est pourquoi le nouvel homme n'aurait pas été
régénéré si le Réparateur ne s'était
pas fait homme, parce que sans cela les voies de notre sang n'auraient
jamais été ouvertes, et ce sang n'aurait jamais pu couler,
malgré la mort corporelle que nous subissons tous les
jours,
et malgré tous les massacres de la terre. C'est aussi par ce
moyen qu'il a fait de l'
âme des hommes un
agneau pascal semblable à
lui ; et que cet
agneau doit être
immolé dans chacun d'eux,
pour en faire autant de nouveaux hommes, comme il a dû être
immolé
lui-même pour le renouvellement, et la régénération
de toute l'espèce humaine.
Car la plus belle fonction de ce prophète
éternel et divin qui est venu verser le sang de son
corps et
de son
esprit, pour nous mettre à portée de rentrer par
lui, dans notre état naturel, et primitif, a été
de rendre notre sang efficace, et de nous donner, par là, une
seconde vie après celle que nous avions perdue. Or, cette seconde
vie qu'il nous donnait par là était la vie de la douleur,
et devait infiniment plus lui coûter que la vie de l'
amour, qui est
celle qu'il nous avait donnée la première fois.
En effet la prophétie doit-elle se borner
à prédire, et à annoncer des événements
? Ne peut-elle pas les prévenir par la prière de la douleur,
s'ils sont funestes, et les avancer s'ils sont salutaires, et ne serait-ce
pas là un de ses caractères les plus importants ? Larmes
du prophète, désobstruez les voies de la cité sainte,
opérez vous-mêmes les manifestations de cette nouvelle
Jérusalem que les prédictions ne font qu'annoncer.
Le Réparateur a-t-il prédit beaucoup
d'événements ? Non, il n'a presque prédit que ceux
qui devaient se réaliser incessamment, et ouvrir les yeux aux
nations sur son uvre.
Je vous dis ceci dès maintenant,
avant qu'il arrive, afin que, lorsqu'il arrivera, vous reconnaissiez
qui je suis (Jean 23:19, 14:29, 16:4). Mais il a employé
sa vie entière à aplanir, par ses sacrifices, et par son
amour, les voies de notre retour vers notre patrie.
Aussi à son imitation, l'
esprit qui vient
s'
immoler en nous pour nous régénérer, ne craint
point de "mettre la main au plat avec celui même qui le trahit,
et qui soit le livrer au prince des
prêtres ;" parce que cet
esprit
"qui vient s'
immoler en nous, s'en va, selon ce qui a été
écrit de lui... Mais malheur à celui par qui ce fils de
l'homme est trahi ! Il vaudrait mieux pour lui qu'il ne fût jamais venu
au monde... Mais pour vous, je vous prépare le royaume comme
mon père me l'a préparé."
Quelle affliction pour cet
esprit qui vient s'
immoler
dans nous, de savoir qu'il est trahi non seulement par celui qui doit
concourir à lui faire consommer son sacrifice, mais encore par
celui pour qui même il vient s'
immoler, c'est-à-dire, que
ce
Simon qui est en nous, par cette pierre fondamentale sur laquelle
se doit bâtir l'
Eglise ! Car l'
esprit lui dit en nous : "Simon, Simon,
Satan vous a demandé pour vous
cribler comme on
crible le
froment,
mais j'ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille
point. Lors donc que vous aurez été converti, ayez soin
d'affermir vos
frères."
Dans l'ardeur de notre zèle, et dans l'
ignorance
où nous sommes de toute l'étendue de l'épreuve,
nous lui disons :
Seigneur, je suis tout prêt d'aller avec
vous, et en prison, et à la mort même. Mais l'
esprit
qui nous connaît bien mieux que nous ne pouvons nous connaître, nous
répond : "Pierre, je vous déclare que d'aujourd'hui le
coq ne chantera que vous n'ayez nié par trois fois que vous me
connaissiez", parce que l'
esprit voit à découvert
tous les plans des mouvements des êtres, parce que cet
esprit
voit notre faiblesse, et le penchant que nous avons à lui être
infidèles, et que comme le péché primitif a eu
un triple caractère, et qu'il a opéré en nous une
triple mort, nous répétons ce triple péché,
ou cette triple infidélité dans nos épreuves particulières,
jusqu'à ce que le
coq, ayant chanté trois fois, comme
pour annoncer ce malheureux triomphe de la matière sur nous,
nous rentrions en nous-mêmes, et que, comme fit Pierre, nous versions
des larmes sur notre péché et sur notre lâcheté.
Mais l'
esprit ne s'éloigne pas de nous,
quoiqu'il voie ainsi en nous tous les plans de notre infidélité.
Il continue son uvre ; il continue même de nous y associer,
et nous dit : "Lorsque je vous ai envoyé sans sac, sans bourse,
sans souliers, avez-vous manqué de quelque chose ? Non, mais
maintenant, que celui qui a un sac ou une bourse les prenne, et que
celui qui n'en a point, vende sa robe pour acheter une
épée,
car je vous assure qu'il faut encore qu'on voie accompli ce qui est
écrit de moi : il a été mis au rang des scélérats
; parce que ce qui a été prophétisé de moi,
est prêt d'arriver."
C'est donc en effet le moment de réunir
nos
forces pour aider à notre maître de consommer son sacrifice.
C'est le moment de transformer toutes nos facultés en courage
pour résister à l'
ennemi qui le doit attaquer, et pour
obtenir que les
forces d'en haut l'accompagnent, et le soutiennent dans
le pénible combat qui va se livrer entre sa nature éternelle,
et sa nature passagère et apparente ; de même que dans
la terrible épreuve que va subir sa
charité, quand il
va être livré tout entier pour la délivrance de
ses
frères, et qu'il faudra faire couler, goutte-à-goutte,
tout le sang de son être, et de son
amour pour faire parvenir
jusqu'à nous le
fleuve de la vie.
Aussi l'
esprit nous dit : "Mes petits
enfants,
je n'ai plus que peu de temps à être avec vous, vous me
chercherez, et comme j'ai dit aux Juifs qu'ils ne pouvaient venir où
je vais, je vous le dis aussi maintenant, parce que l'
esprit est le
maître, que nous ne sommes que les
disciples, que nous ne pouvons recevoir
que ce qui vient de lui, tandis que la source dans laquelle il demeure
nous est toujours impénétrable, et parce que cet
esprit
va opérer l'œuvre de la délivrance des captifs que nous
pouvons ensuite répéter sur nous-mêmes, et sur nos
frères en son nom, mais que nous n'aurions jamais pu opérer
sans lui, et s'il n'avait commencé par l'opérer en nous.
C'est pour cela qu'il avait dit aux siens précédemment
:
Vous pourrez boire le calice que je boirai. C'est pour cela
aussi qu'il venait de les admettre à la participation du calice,
et à la manducation de son
corps dans le passage, pour
les préparer à participer ensuite à toute l'activité
de son uvre,
parce que toutes ces paroles sont esprit et vie.
Aussi l'uvre étant déjà
commencée pour lui, puisque
le traître ayant reçu son
morceau était déjà sorti, il annonce que maintenant
le fils de l'homme est glorifié, et que
Dieu est glorifié
en lui ; et c'est alors qu'il leur donne les principales instructions
relatives à l'œuvre qu'il va consommer, et qu'ils doivent partager
avec lui : "Je vous donne un commandement nouveau, de vous aimer les
uns et les autres, afin que vous vous entr'aimiez comme je vous ai aimés.
C'est en cela que tous connaîtrons que vous êtes mes
disciples,
si vous avez de l'
amour les uns pour les autres." Afin qu'ils comprissent
que l'uvre de ce maître était l'œuvre de l'
amour, et qu'ils
ne pouvaient jamais être image et ressemblance de leur principe,
qu'autant qu'ils se rendraient par leurs uvres, et par leur sacrifice,
l'image et la ressemblance de cet
amour.