Nous vous proposons ci-dessous le commentaire sur la première planche du
Mutus Liber reproduit dans l'ouvrage
Les Nobles Ecrits de Pierre Dujols et de son frère Antoine Dujols de Valois, de Geneviève Dubois. Cet extrait est reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur et des Editions Le Mercure Dauphinois. Toute reproduction sous quelque forme que ce soit strictement interdite.
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AlchimieLe Mutus Liber commenté par Pierre Dujols
Première Planche
La
première, qui sert de
frontispice,
est vraiment capitale. De sa compréhension dépend tout
le succès de l'uvre. On y voit, dans un cartouche formé
de deux rosiers entrelacés, un homme endormi sur un roc où
végètent des kermès rabougris. Une
eau limpide
s'en épanche avec des reflets métalliques. A côté
du dormeur, sur une échelle l'Escalier des Sages
deux
anges sonnent de la trompette pour le réveiller. Au-dessus,
un
ciel nocturne propice au repos : les étoiles brillent et la
lune découpe sa corne d'abondance.
Cette page initiale comporterait une critique non
imputable à l'auteur instruit, mais à l'artiste
profane,
qui, dans la reproduction des figures, a commis, sans s'en douter, un
lourd contresens. Et c'est déjà un grand point que de
le signaler, sans qu'il soit nécessaire d'y insister davantage.
Les gloses
hermétiques en avertiront le
disciple qui ne jugera
pas inutile de s'y informer.
L'Homme endormi est le sujet de l'uvre. Quel
est ce sujet ? Les uns disent que c'est un
corps ; d'autres affirment
que c'est une
eau. Les uns et les autres sont dans le vrai, car une
eau dénommée "la belle d'argent" jaillit de
ce
corps que les Sages appellent "
la Fonfaine des Amoureux de
Science". C'est le mystérieux sélage des
Druides,
la matière qui donne le sel (de
sel pour
sal et
agere produire). Le secret du magistère est d'en dégager
encore le soufre et d'en utiliser le mercure, car tout est dans tout.
Certains artistes prétendent s'adresser ailleurs pour cet effet,
et nous ne nierons pas que l'hydrargyre de
cinabre puisse être
de quelque secours dans le travail, si on sait dûment le préparer
soi-même ; mais on ne doit l'employer qu'à bon escient
et à propos. Pour nous, celui qui parvient à ouvrir le
rocher avec la verge de Moïse, et ce n'est pas une mince confidence,
a trouvé la première
clef opératoire. Alors, sur
cette pierre abrupte fleuriront les deux
roses qui pendent aux branches
de l'églantier, l'une blanche et l'autre rouge.
On nous demandera, et non sans raison, quel verbe
magique est capable d'arracher aux bras de
Morphée notre Epiménide,
qui semble vraiment sourd aux clameurs des buccines. Ce Verbe vient
de
Dieu, porté par les
anges, les messagers de
feu. C'est un
souffle divin qui agit de manière invisible, mais certaine, et
ce n'est pas une hyperbole. Sans le concours du
ciel, le travail de
l'homme est inutile. On ne greffe les
arbres ni on ne sème le
grain en toutes saisons. Chaque chose a son temps. L'uvre philosophal
est appelé l'Agriculture Céleste, ce n'est pas pour rien
; un des plus grands auteurs a signé ses écrits du nom
d'Agricola, et deux autres excellents
adeptes sont connus sous les noms
de Grand Paysan et de Petit Paysan.
Le
disciple devra donc méditer longuement
sur cette première planche, la confronter avec les apologues
en langue vulgaire. Puisse-t-il être assez heureux pour entendre
lui-même la voix du
ciel ; mais qu'il sache, auparavant, qu'il
y prêtera son oreille en vain, s'il n'est nourri lui-même
des
Saintes Lettres.