Dans ce texte,
Paracelse explique d'abord que la
Restauration et la Rénovation opérées sur un métal (que l'on régénère à
partir de ses minerais ou de ses oxydes) n'ont rien de commun avec la
Rénovation et la Restauration qui peuvent avoir lieu chez l'Homme.
Car, si d'une part la régénération des
métaux les ramène à leur origine, et si d'autre part, le traitement
alchimique par les trois principes (Sel, Soufre,
Mercure) les rend
parfaits et indestructibles, pour l'Homme il ne saurait être question
ni de revenir à son point d'origine, ni d'accéder à une immortelle
perfection. La Restauration et la Rénovation chez l'Homme doivent donc
s'entendre autrement qu'en laboratoire.
Ici
Paracelse, pionnier du vitalisme
et inspirateur de Van Helmont, invoque à la fois l'
Esprit de
vie (
Spiritus vitae) et l'
Humeur
radicale dont il est le principe actif, en précisant que ce
ne sont pas eux qui produisent la Rénovation et la Restauration mais
leurs émanations (on dit aujourd'hui leur métabolisme).
La Rénovation et la Restauration sont
acquises non par un renforcement de l'Humeur radicale mais par une
transformation des réserves de la matière corporelle.
Utilisant la méthode analogique qui a
tant servi avant les rigueurs du
rationalisme, il compare ce problème à
la situation d'un
arbre, dont l'humeur radicale est la réserve de sève
contenue dans le tronc, tandis que la Rénovation et la Restauration,
chaque année, consiste dans la production des
fleurs, des feuilles et
des
fruits.
Sous un aspect plus détaillé, la
Rénovation et la Restauration passent par la médiation des quatre
humeurs (héritées d'Hippocrate et de l'Antiquité) et des quatre
Eléments avec leurs quatre composants couplés :
chaleur et froid -
humidité et sécheresse. De là résultent quatre complexions (on dira
plus tard "tempéraments"), qui sont des propriétés natives à travers
lesquelles s'exercent l'Humeur radicale et le Spiritus vitae, et non
l'inverse.
A partir de là, il montre que la
Rénovation et la Restauration ne portent pas sur les organes du corps
proprement dits, mais sur des affections pathologiques réputées à cette
époque incurables, telles que la lèpre, l'épilepsie, la folie, le
charbon et différentes formes de goutte déformante.
Dans le cas de la lèpre, par exemple,
la Rénovation et la Restauration ont un effet tellement puissant
qu'elles chassent aussi les autres maladies qui l'accompagnent.
Dans tous ces phénomènes, c'est
l'élément FEU qui opère, comme une émanation du Spiritus vitae, "
telles
les forces brûlantes d'une ortie", dit-il, et plus loin : "
la
Rénovation et la Restauration sont des ignitions de la Nature, issues
d'une force que nous ne pouvons représenter..." et ce en
toute logique puisque "
le Feu est le grand purificateur de la
Nature". Mais il s'agit en l'occurrence d'un
feu qui n'est
pas de
flamme, mais d'un
feu "essentiel" et invisible qui agit à
l'intérieur du
corps (que nous appelons aujourd'hui "
chaleur").
Mais il ne suffit pas d'en parler, il
faut aussi traiter.
Après un renvoi aux
Archidoxes,
s'inscrit la liste de toute une série de produits végétaux et minéraux
propres à effectuer la Rénovation et la Restauration, à condition
d'être amenés à l'état de magistère ou de quintessence. Le plus noble
et le plus puissant d'entre eux, après l'
Antimoine, est "L'OR POTABLE"
qu'il nomme aussi "OLEUM AURI".
Ces préparations magistrales nous
amènent, rétroactivement, à la notion de "PRIMUM
ENS" (toujours exprimé
en latin), que l'on peut traduire par "
Essence première", "Entité
première", ou mieux encore "PREMIER ÊTRE" (le latin et le grec -- comme
l'anglais -- usant du participe présent, là où nous employons plutôt
l'infinitif substantivé), sur lequel
Paracelse s'étend beaucoup dans la
deuxième partie du Traité.
On peut s'interroger sur ce qu'il
entendait par ce "Premier Etre" des métaux, des minéraux et même des
autres substances. Les propriétés qu'il lui attribue indiqueraient que
ce "Premier Etre" est ce qu'il y a de permanent et d'
immuable --
autrement dit d' "essentiel", au sens propre -- dans l'élément en
question, quelque chose qui serait la préfiguration du concept atomique
et moléculaire actuel.
Avec cependant une différence énorme :
les
corps simples de la chimie sont en général peu actifs dans leur
état naturel, tandis que les "premiers êtres" de
Paracelse sont
hautement actifs, purificateurs, voire transmutatoires.
Comme tout ce dont
Paracelse parle a
été éprouvé et traité par lui-même (il suffit de lire le Premier et le
Second Manuel qui se trouvent à la fin des œuvres complètes dans
l'édition Huser de 1605, pour s'en convaincre) cela signifierait que
l'
alchimie connaissait des états et des propriétés de la matière que la
science moderne n'a pas encore retrouvés. Il y a un "secret", en tout
cas, qui semble resté inviolé, du moins dans le domaine public, c'est
celui du SEL CIRCULÉ avec lequel
Paracelse faisait toutes ses
extractions.